Déplacés à Kabo : rester au camp ou rentrer malgré les risques ?

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Déplacés à Kabo : rester au camp ou rentrer malgré les risques ?

Solidarités International, 27 Jan 2016

URL: http://www.solidarites.com/fr/espace-presse/en-direct-du-terrain/actualites/112-rep-centrafricaine/1350-deplaces-a-kabo-rester-au-camp-ou-rentrer-malg
Au nord de la République Centrafricaine (RCA) des milliers de personnes ont trouvé refuge à Kabo depuis les tensions et guerres civiles depuis 2007. Aujourd'hui beaucoup vivent encore sur les sites de déplacés mais certains reviennent peu à peu dans leur village malgré les violences persistantes. Dans les deux cas, les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL s'efforcent d'apporter une réponse à ces crises répétées.


A une trentaine de kilomètres de Kabo dans la province de l'Ouham au nord de la République Centrafricaine, le village de Kété Kabo revit doucement depuis quelques mois. Chaque semaine, des familles qui s'étaient réfugiées à Kabo pour fuir les violences, conséquences du conflit qui frappe le pays depuis 2007, se décident à retourner vivre dans leur village de naissance.

Si aujourd'hui les maisons se reconstruisent rapidement grâce au soutien des équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL qui fournissent matériel et formation, quand les premiers sont arrivés, ils n'ont trouvé que désolation. ''Nous avions fui car nous étions pris dans les violences. L'axe sur lequel nous nous trouvons (Kabo – Moyenne Sido) était emprunté par les colonnes de soldats descendant vers Bangui. Ils ont tout brûlé, nos maisons, nos champs, nos écoles et même le centre de santé'', raconte Jean, un des premiers à être revenus au village. ''Mais ce n'est toujours pas facile de vivre ici. Les soldats contrôlent encore la zone, et parfois s'en prennent à nous car ils ne sont pas payés. Nous sommes aussi perpétuellement en conflit avec les éleveurs qui font paître leurs bêtes sur nos champs et nous obligent à récolter avant que les plantes arrivent à maturation. L'Etat ne nous protège pas. Seul SOLIDARITÉS INTERNATIONAL nous soutient en nous fournissant des semences qui nous permettent de cultiver, en construisant des puits et en nous aidant pour reconstruire nos maisons'', poursuit l'agriculteur.

''Je ne peux pas rentrer chez moi, c'est trop dangereux''

Avec la crise de 2013 qui a vu s'affronter les ex-Selekas, en majorité musulmans, et les Anti-Balakas, en majorité catholiques, la région de l'Ouham été totalement déstabilisée et l'Etat centrafricain s'est peu à peu retiré. Quant aux éleveurs transhumants, ils n'ont plus la possibilité d'emmener leurs troupeaux aussi loin qu'auparavant, bloqués dans leurs migrations par des groupes armés hostiles. Ils sont donc forcés de rester dans la région poussant de nombreux agriculteurs à fuir, faute de pouvoir cultiver de quoi se nourrir. ''Je voudrais retourner au village mais c'est trop dangereux. Les éleveurs sont armés, ils pourraient s'en prendre à moi et puis là-bas, de toute façon, il n'y a rien. Je n'ai plus de maison, plus d'argent, plus rien'', explique Auguste, arrivé à Kabo en 2011 après un passage au Tchad d'où il s'est fait chasser.


Il se dit contraint de devoir rester dans un des trois camps de déplacés de la ville. ''Mais la vie ici est impossible. Les terres que nous a donné la municipalité ne sont pas fertiles, nous n'avons pas d'argent pour ouvrir des commerces. Les deux seules choses qui fonctionnent c'est l'école et l'eau qui nous est fournie par SOLIDARITÉS INTERNATIONAL''.

Même constat pour Marie qui vit ici avec son mari et ses 5 enfants. Le couple tente de cultiver un peu d'arachides et de mil mais les récoltes sont maigres. Alors, quand son époux part malgré tout aux champs, Marie, elle, suit une des formations sur les activités génératrices de revenus dispensées par les équipes de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL. ''Je voudrais rentrer chez moi mais ce n'est pas possible aujourd'hui. De quoi vivrions-nous ? J'espère que les formations que fournit SOLIDARITÉS INTERNATIONAL vont nous permettre d'ouvrir une boutique ici et de gagner un peu d'argent car je peine à nourrir correctement mes enfants''.

11 métiers pour survivre à Kabo

Les formations dont parle Marie, sont, parmi d'autres, une des réponses fournies par SOLIDARITÉS INTERNATIONAL pour venir en aide aux familles les plus fragiles qui ne peuvent pas encore prendre la route du retour. Ebéniste, maçon, forgeron, commerçant... ''11 métiers ont été identifiés après une évaluation, explique Gérard Philippe Ilboudo, responsable du programme Sécurité alimentaire et moyens d'existence sur la base de Kabo. Nous offrons donc des formations sur la fixation des prix, la gestion des stocks et la comptabilité aux plus vulnérables afin qu'ils puissent soit mieux vivre de leur métier, soit, pour les agriculteurs qui n'ont plus un accès régulier à leur champs, compléter leur revenus''.

C'est en effet sur cette formation que compte Freddy pour gagner le minimum. ''Je suis agriculteur à la base, et j'ai quelques animaux aussi mais avec la crise, je ne peux plus aller régulièrement sur mes terres. J'ai dû fuir mon village qui n'est pas loin d'ici et je vis désormais à Kabo. J'essaye de planter malgré tout mais souvent, quand je reviens dans mon champ après plusieurs jours sans surveillance, tout a été mangé par les bœufs des éleveurs. Je vais donc essayer d'ouvrir une petite boutique et je compte vraiment sur cette formation de SOLIDARITÉS INTERNATIONAL pour bien la gérer et gagner de quoi survivre''.

A Kabo, ils sont des milliers à vivre comme Jean, comme Marie ou comme Freddy, à se demander s'ils pourront retourner dans leur villages ou s'ils pourront y rester. Tous dépendent de l'aide humanitaire pour aujourd'hui survivre mais tenter, demain, de vivre dignement.