La menace Boko Haram dans le nord du Cameroun fait fuir les transporteurs

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La menace Boko Haram dans le nord du Cameroun fait fuir les transporteurs

France24, 12 Feb 2015

URL: http://www.france24.com/fr/20150210-boko-haram-immersion-brigade-fluviale-tchadienne-tchad-police-fleuve-chari-cameroun-ndjamena/
Texte par Willy BRACCIANO , envoyé spécial au Tchad

Le durcissement des mesures de sécurité face à la menace Boko Haram n’est pas sans conséquence pour l’économie tchadienne. L'envoyé spécial de France 24 au Tchad a rencontré un routier dont le quotidien a changé en raison de l'avancée des islamistes.

Jeudi 12 février

Roger a 27 ans. Depuis trois ans, ce jeune routier conduit fièrement un 40 tonnes entre Douala, au Cameroun, et N'Djamena, au Tchad. Voilà maintient une semaine qu'il patiente dans le centre de tri de N'Djamena avant de pouvoir repartir au Cameroun.

Ce fils d'agriculteur n'a pas vraiment choisi ce métier par amour. Il a suivi les pas de son frère pour nourrir son foyer, même s'il ne roule pas sur l'or avec ses 50 000 francs CFA mensuels (76 euros).


Roger, jeune routier tchadien, est contraint d'emprunter un itinéraire de contournement pour acheminer sa marchandise. © Willy Bracciano, France 24
Dans son camion, ce père de famille achemine aussi bien du carrelage que des produits alimentaires. La route, il la connaît par cœur : les nids de poules de l'axe Douala-Maroua-Kousseri n'ont aucun secret pour lui.

"Parfois je ne sais même pas ce que je transporte. Sur le bordereau, il y a juste le nom du destinataire", confie-t-il.

Pour Roger, l'essentiel, c'est que sa marchandise arrive à destination. Mais depuis l'offensive de Boko Haram dans l'extrême nord du Cameroun, en accord avec son patron, Roger ne s'aventure plus sur cette route : "Ils nous égorgent de derrière."

Depuis trois mois, comme les 12 chauffeurs de sa société, il emprunte un itinéraire de contournement, en remontant par le sud du Tchad depuis Moundou, la capitale économique.

De Douala en passant par Moundou, Kelo, Bongor, Glendeng, jusqu'à N'Djamena, ce ne sont pas moins 4 000 kilomètres de route. Soit une centaine de kilomètres de plus que s'il traversait le Cameroun ou six jours de route au lieu de quatre en temps normal.

"On est plus fatigué par les tracasseries que par la route", lance le jeune homme. Par tracasserie, il faut entendre les petites sommes d'argent réclamées le long du trajet pour qu'il poursuive sereinement sa route. "Il est temps que les armées tchadienne et camerounaise nous débarrassent de Boko Haram", supplie-t-il.

En attendant, Roger préfère perdre du temps et de l'argent mais conserver sa vie.